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Notre conférence-SAFGA du 16 février 2018, présentée par Cyril TASSE.

 

« Un passionné au service d’une science peu connue ».

Cyril TASSE en selfie à
MeerKAT en Afrique du Sud

La radioastronomie est un parent peu connu de l’astronomie surtout chez les amateurs. Plus attirés par la lumière visible et les belles images que les photos numériques peuvent offrir, les amateurs connaissent peu les ondes radiométriques, les radiotélescopes et les résultats de ces études des grandes longueurs d’ondes. C’est pourquoi, notre amie Christine a demandé à Cyril TASSE, astronome adjoint à l’Observatoire de Paris et attaché à l’Observatoire de Rhodes en Afrique du Sud, de venir nous parler de sa passion et de son métier, la radioastronomie. Sa conférence, le vendredi 16 février 2018, a rassemblé plus de 50 membres de la SAFGA venus écouter ce que le bruit des étoiles avait à nous dire avec les mots du professionnel de la matière. Cyril Tasse a su nous charmer et rendre agréable et facile un sujet a priori ardu et âpre.

« La découverte des ondes radiométriques en 1933 grâce au téléphone ».

Notre conférencier a commencé bien sûr par repositionner les émissions radiométriques dans le spectre des émissions électromagnétiques. Leurs longueurs d’onde, comprises entre le millimètre et le kilomètre, présentent des fréquences entre un et un million de Mégahertz, ce qui explique pourquoi leur existence ne fût découverte par Karl Jansky qu’en 1933 et un peu par hasard pendant l’étude des parasites du téléphone. L’origine de ces perturbations fût vite attribuée au rayonnement de notre Galaxie dont Grote Reber fit une première cartographie en 1937. Cyril Tasse nous expliqua comment le développement rapide des instruments permit de vérifier par la suite les prédictions de Gamov sur le rayonnement diffus du fond cosmologique, la théorie du Big-Bang faisant son chemin. Cyril Tasse aborda ensuite l’origine de ce rayonnement électromagnétique aux fréquences si lentes.

« Des émissions rares dans un univers immense ».

Plusieurs types d’ondes radiométriques intéressent les astronomes.
La plus célèbre est l’expression de la raie spectrale des émissions de longueur d’onde égale à 21 cm. Dans les grands nuages d’hydrogène neutre, froid et au repos, le mouvement des électrons autour du noyau est aussi caractérisé par une transition entre deux sous-niveaux créés par l’orientation magnétique du spin de l’électron (un genre de moment angulaire de rotation). Ce changement d’état libère de l’énergie sous la forme d’une onde électromagnétique centrée sur la raie des 21 cm, la raie HI (« H1 »). Cette émission, bien que rare et aléatoire (une fois tous les millions d’années seulement !) prend des proportions gigantesques avec toute l’immense quantité d’hydrogène présente dans l’espace. Les nuages et les masses de matière font alors naître de vrais paysages de rayonnements que nous pouvons cartographier.

Bien évidemment, la raie des 21 cm issue des galaxies et nuages lointains subit un glissement, le « redshift », qui permet de déterminer les distances et ainsi remonter le temps presque jusqu’à leurs origines. Un deuxième rayonnement intéresse les radioastronomes, c’est le rayonnement synchrotron. Les trous noirs super massifs mais même les étoiles à neutron peuvent provoquer des jets de particules relativistes qui vont interagir avec le plasma magnétisé des nuages de matière.Les particules chargées et accélérée vont se mettre à « tourner » en spirale (mouvement synchrotron) et ainsi transformer leur énergie cinétique en énergie radiative sous la forme d’un rayonnement continu radio. Son étude fournit par exemple d’excellents renseignements sur la dynamique des trous noirs. Autre rayonnement, le fond diffus cosmologique qui est le rayonnement électromagnétique laissé par l’époque dense et chaude du Big Bang. Malgré le refroidissement de l’univers dû à son expansion, il rayonne des micro-ondes découvertes en 1964 par Bell, Penzias et Wilson. Leur étude donne une image de l’univers à environ 380 000 ans après le Big Bang. Ces nouvelles cartes géographiques de l’Univers sont venues compléter la description des structures notamment autour des galaxies qui laissent apparaître des étendues bien plus gigantesques que prévu. De plus, elles révèlent une complexité dynamique des mouvements et de la topographie qui a remis en cause bien des concepts et soulevé de nouvelles interrogations sur l’existence de matière et d’énergie noire. Dans le domaine des ondes millimétriques, il a été possible d’observer le rayonnement émis par les transitions rotationnelles et vibratoires des molécules plus complexes. Plus de 170 molécules complexes à base d’eau, de monoxyde de carbone, d’ammoniac ou de cyanure d’hydrogène ont été observées, ouvrant l’astronomie vers la recherche du vivant ou du moins de ses origines dans l’espace interstellaire.

« Les radiotélescopes, du grillage aux super-ordinateurs ».

Puis ce fût le tour des instruments dont il a fallu détailler les principes de fonctionnement. Notre orateur, avec des images parfois historiques, montra le passage des antennes paraboliques en « grillage » (Arecibo, Effelsberg, Green Bank, Nançay), vers la construction d’installations gigantesques aujourd’hui nécessaires pour obtenir de ces instruments une grande capacité de résolution. Il s’agit d’arriver à observer des détails de notre Univers au même titre que l’imagerie visuelle des grands télescopes classiques. La radioastronomie entra donc dans l’interférométrie avec la construction de radiointerféromètres (VLA, GMRT, ILT, ALMA, SKA) qui occupent des surfaces de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Si la largeur des mailles de l’antenne est conditionnée par la longueur d’onde mise par les objets célestes, il faut par contre éloigner les antennes les unes des autres pour augmenter la résolution des fins détails. A l’aide de films animés et parfois des images de synthèse, nous avons pu survoler les grands paysages dont ces installations de mesure ont besoin. Cyril Tasse a su nous expliquer qu’il n’était pas nécessaire de couvrir le sol d’appareils de mesure mais comment un choix judicieux  l’emplacements par contre étendus sur des centaines de kilomètres permettait d’atteindre une finesse de mesure qui révélait les moindres détails des chocs de galaxies à des distances qui remontent le temps vers la création.

« SKA, le rêve et l’espoir de nouvelles découvertes étranges ».

Pour finir, il était nécessaire de commenter le projet SKA, Square Kilometer Array, qui est un instrument qui se construit en partie en Afrique du Sud avec une autre en Australie.
Ce qui sera le plus grand télescope du monde est une étendue de 3000 radiotélescopes répartis sur des dizaines de kilomètres et reliés par un réseau de fibres optiques pour reconstituer une surface équivalente à un kilomètre carré de cellules de détection. Le concept même de SKA pourra étudier le ciel dans plusieurs directions en même temps, ce qui contraint les chercheurs et techniciens non seulement à des prouesses de technologie dans le matériel mais également de recherche en mathématiques pour effectuer le traitement des milliards de milliards de données collectées à la fois en une seconde. Mais en contrepartie, les espoirs scientifiques, à partir de sa mise en service en 2020, sont immenses. Notre radioastronome nous a fait rêver en évoquant les détections et découvertes attendues par ce télescope du futur. Il va permettre de décrire la structure de l’Univers à très grande échelle en s’approchant des grands moments de la création des galaxies. L’enjeu est de comprendre le passage de l’opacité pendant la chaleur primordiale vers la naissance de la lumière donc des premières étoiles après l’âge sombre de la création. L’apparition des champs magnétiques est une autre énigme tout autant que l’apparition des trous noirs sans parler des promesses d’une nouvelle physique à partir de la mesure d’ondes gravitationnelles lentes. Après 2 heures d’exposé passionnant, de dessins, d’images et de films, les membres de la SAFGA se sont retirés repus d’explications et commentaires, plus riches de savoirs sur la radioastronomie.

Roger Hellot. 17.02.2018